2012/05/10

Hommes et Femmes

Aimer, c'est essentiellement 
vouloir être aimé.                               Jacques Lacan


L'histoire de Boitelo lui était familière, du moins dans la mesure où elle suivait un schéma qu'elle avait très souvent rencon­tré. Tout commençait bien et soudain... soudain, on croisait quelqu'un et rien n'était plus comme avant. 
Elle avait elle-même vécu cela, avec son premier mari, Note Mokoti, joueur de jazz et homme à fem­mes, qui l'avait fait passer, en l'espace d'une brève période, d'un monde de joie et d'optimisme à un uni­vers de souffrance et de peur. De telles personnes - des hommes comme Note - traversaient l'existence en propageant le désespoir autour d'eux, tels des her­bicides tuant les fleurs et toutes ces belles choses qui poussaient dans la vie des gens et qu'ils desséchaient par leur malveillance et leur mépris.
À peine sortie de l'enfance, elle avait été trop naïve pour soupçonner le mal chez autrui. 
Les jeunes, pensait Mma Ramotswe, croient que les gens sont bons. Ils ne se doutent pas que certaines personnes de leur entourage, des gens de leur âge, peuvent être malfaisantes et sans valeur. Et puis, soudain, ils le découvrent, ils voient de quoi ces autres sont capa­bles, à quel point ils peuvent se montrer égoïstes, insensibles dans leurs actes. Cette découverte est par­fois douloureuse, comme dans son cas à elle, mais il importe de la faire. 
Bien sûr, cela ne signifiait pas qu'il faille se réfugier dans le cynisme ; bien sûr que non. Mma Ramotswe avait appris à être réaliste face aux gens, ce qui ne voulait pas dire que l'on ne pût  déceler du bon chez la plupart d'entre eux, même si ce côté positif était obscurci par le reste. Avec de la persévérance, si l'on donnait aux individus une chance de montrer leurs bons côtés et - c'était impor­tant - si l'on était prêt à leur pardonner, ils pouvaient manifester une remarquable aptitude à modifier comportement
Bien sûr, il y avait l'exception de Note Mokoti. Celui-ci ne changerait jamais, bien qu'elle lui eût pardonné, la dernière fois, lorsqu'il était venu la voir et lui avait réclamé de l'argent. Il avait montré que son cœur, en dépit de tout, restait plus dur que jamais.

In : 1 cobra, 2 souliers et beaucoup d'ennuis, d' Alexander McCall Smith

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